Strates inférieure et supérieure de mosaïques provenant de la nef septentrionale de la basilique épiscopale
TESSELLE PAR
Les mosaïques de la basilique épiscopale sont plus que de belles images. Chaque oiseau, rosette, méandre recèle une maestria artistique, des heures de travail et des années d'expérience.
Les mosaïques ont été réalisées suivant la technique de l'opus tessellatum : des tesselles de différentes couleurs sont disposées sur une couche de mortier en suivant un motif. C'est un travail lent : en une journée, on pouvait couvrir une surface d'environ un demi-mètre carré. Pour les mosaïques de la basilique épiscopale, on a utilisé des tesselles blanches, noires, jaunes, ocre, rouges, plusieurs nuances de bleu et de vert. Certaines d'entre elles, comme les vertes, sont des pierres semi-précieuses provenant des Rhodopes.
Les mosaïques de la basilique épiscopale, comme toutes celles qui ont été trouvées à Plovdiv et qui datent des IVe et Ve siècles, sont exécutées dans un style caractéristique de l'Empire romain d'Orient. Elles présentent aussi, cependant, des traits originaux uniques.
Les mosaïques de la première strate de la basilique (IVe siècle) sont géométriques. Celles de la nef centrale, les plus anciennes, sont monochromes et représentent de grands motifs géométriques en forme de vagues et de rosettes. Les mosaïques des nefs septentrionale et méridionale sont plus tardives et offrent une véritable explosion de couleurs et de formes. Leurs ornements complexes créent une illusion d'optique, un effet tridimensionnel : des rosettes s'entrecroisent avec des guirlandes, de somptueuses croix se tiennent près de cercles remplis de couleurs diverses.
Réalisées au Ve siècle, les mosaïques de la deuxième strate combinent motifs géométriques avec l'élément qui caractérise la basilique épiscopale : les oiseaux. Sur le seul panneau au milieu de de la nef centrale, on compte plus de 100 oiseaux d'espèce différentes. Sur le panneau central des deux nefs latérales est représentée aussi la scène "La source de vie".
Les mosaïques de la première strate, dans la nef méridionale, représentent des motifs géométriques multicolores complexes qui créent un effet de tridimensionnalité
DÉCHIFFRER UNE MOSAÏQUE
Paons et rosettes, croix et méandres, perroquets et pintades : les mosaïques de la basilique épiscopale sont un enchantement pour les yeux par leur variété et leurs couleurs vives. Mais elles sont bien plus que cela. Elles sont chargées de sens.
Les ornements géométriques de la première strate témoignent des défis artistiques auxquels a été confrontée la société lors de la transition entre paganisme et christianisme. La nouvelle religion officielle est encore à la recherche de son langage artistique, aussi emprunte-t-elle des éléments de l'héritage païen. Ainsi, sur le sol de la basilique épiscopale, on voit apparaître des méandres et des rosettes, des svastikas et des nœuds infinis. Mais le symbole fondamental du christianisme, la croix, figure également parmi eux.
Les mosaïques de la première strate sont aussi une source précieuse d'informations sur l'histoire de la basilique. Une inscription de donateurs, dans la nef méridionale, définit le bâtiment comme épiscopal et elle a conservé une partie du nom de l'ecclésiastique qui a probablement commandité et financé la création du sol en mosaïque : " -kian ".
La seconde strate de mosaïques montre que le christianisme a désormais trouvé son langage symbolique. Les dizaines d'oiseaux, sur le sol, ne sont pas fortuits : ils incarnent le jardin d’Éden. Les paons ont une symbolique encore plus claire : l'immortalité de l'âme. C'est peut-être la raison pour laquelle un paon, justement, impressionnant par sa somptueuse queue multicolore, est représenté devant l'entrée principale de la basilique. Les scènes avec la source de vie sont elles aussi chargées de sens : la fontaine symbolise Jésus et l'idée que celui qui y a bu trouve la vie éternelle.
Mais les symboles chrétiens partagent l'espace avec certains motifs géométriques de la période précédente, ce qui est un important témoignage de continuité conservé dans la basilique épiscopale.
Oiseaux provenant de la seconde strate de mosaïques de la basilique épiscopale.
Les mosaïques des deux strates sont étonnamment bien conservées et parfaitement authentiques
La petite basilique a ouvert ses portes en 2013
Inauguration de la petite basilique
LA PETITE BASILIQUE
Avant de relever le défi de rendre à la vie la basilique épiscopale, la fondation “ L’Amérique pour la Bulgarie “ et la municipalité de Plovdiv ont réalisé un projet semblable avec une église de l'Antiquité tardive qui a conservé des mosaïques étonnantes et qui est une source d'informations précieuses sur le Philippopolis romain.
En 2010, les partenaires ont commencé une étude archéologique de la petite basilique, église des Ve-VIe siècles située près du mur d'enceinte oriental de Philippopolis. Découverte en 1988, la Petite basilique avait conservé des mosaïques dans un excellent état, ainsi que l'un des baptistères les mieux conservés de cette période en Bulgarie. Une inscription de donateurs partiellement conservée indiquait qu'elle fut construite par les habitants de Philippopolis reconnaissants, en l'honneur d'un chef de guerre qui sauva la ville d'une invasion.
Mais le manque de moyens financiers et de soins avait condamné ce magnifique témoin du passé à l'oubli et à une lente destruction.
L'initiative de la fondation “ L’Amérique pour la Bulgarie “, de la municipalité de Plovdiv et du ministère de la Culture a permis une conservation et une restauration totales des mosaïques et des vestiges de la petite basilique, ainsi que de son environnement qui comprenait une partie d'un mur fortifié, une rue, un puits. Lors des études réalisées sur la basilique, des mosaïques paléochrétiennes chargées de symboles oont été mises au jour : un couple de colombes, symbole du saint Esprit, et un cerf, symbole de l'âme qui aspire à Dieu.
En 2013, la petite basilique a ouvert ses portes, avec la partie de la ville de l’Antiquité tardive qui l'environnait. Aujourd'hui, la basilique est un endroit animé, qui n'est pas uniquement fréquenté par les amateurs d'histoire de l'Antiquité. On y organise des expositions, des concerts et même des mariages : c'est un exemple parfait d'intégration réussie d'un monument archéologique dans l'espace et la vie d'une ville contemporaine.
L'ancienne résidence d'un habitant aisé de Philippopolis accueille de nouveau des visiteurs aujourd'hui
LA DEMEURE EIRÉNÉ
Ceux qui empruntent le passage sous-terrain "Archéologique", dans le centre de Plovdiv, ne se contentent pas de poser le pied sur une rue romaine parfaitement conservée. Ils passent également près de la demeure d'un Romain aisé et peuvent y entrer et y contempler l'une des mosaïques romaines les plus remarquables conservées dans la partie orientale des Balkans.
Élégante, le visage constitué de tesselles et de smalt dans les tons de blanc, noir, rouge, ocre, jaune, vert et cyan, la déesse de la paix, Eiréné, a l'air aussi vif qu'elle devait paraître, il y a 1600 ans, aux yeux des propriétaires de cette somptueuse demeure urbaine. La vivacité de son joli visage est due à la technique de l'opus vermiculatum : les tesselles sont plus petites que celles utilisées habituellement dans la technique dite de l'opus tesselatum, et elles sont de formes irrégulières, ce qui permet un rendu plus précis de l'image recherchée.
Les mosaïques de cette somptueuse demeure urbaine ont conservé non seulement le nom de la déesse, mais aussi celui du propriétaire, Desiderius.
Les riches mosaïques de la demeure Eiréné occupent une surface de cent soixante m2 et ornent les quatre espaces imposants de la partie orientale du bâtiment. La demeure est dotée d'un péristyle, l'un des lieux préférés dans lesquels tout Romain aisé passait son temps libre. La demeure Eiréné occupait toute une insula (parcelle de terrain enfermé par des rues se croisant à angle droit) du tissu urbain, confirmant ainsi, architecturalement et visuellement, l'importance de ses propriétaires.
La demeure Eiréné fut vraisemblablement construite au IIIe siècle et ses riches mosaïques datent de la seconde moitié du IVe siècle et du milieu du Ve. Elle fut abandonnée au VIe siècle. Ses vestiges furent découverts dans les années 1980, lorsqu'on construisit le passage sous-terrain et, en 1995, ils furent déclarés patrimoine culturel d'importance nationale. Aujourd'hui, la demeure Eiréné est un centre culturel.